•  Docu-livre, bonne plume et quelques vérités à réfléchir...

    Bribes d'ailleurs

     

    Je désirais le mouvement et non une existence au cours paisible.

    Léon Tolstoï

     

    Il passa les six semaines qui suivirent à traverser le Sud-Ouest, allant jusqu’à Houston à l’est et jusqu’à la côte du Pacifique à l’ouest. Pour éviter d’être rançonné par les personnages douteux qui font la loi dans les rues et les passages ou il dormait, il apprit à enterrer son argent avant d’entrer dans une ville, pour le récupérer en repartant.

     

    En octobre, il envoya à Westerberg une carte postale où il dit de Bullhead : « C’est un bon endroit pour passer l’hiver. Je pourrais bien finalement m’y installer et abandonner ma vie errante. Je verrai ce qui se passera à l’arriver du printemps, parce que c’est à ce moment-là que je commence à avoir les pieds qui me démangent ».

     

    « Je croyais qu’en fin de compte, tout se passerait bien. Il était intelligent. Il avait réussi à descendre le Colorado en canoë jusqu’au Mexique, à sauter dans les trains de marchandises, à trouver un lit dans des asiles du centre-ville. Tout ça, il l’avait appris tout seul, et j‘étais sûre qu’il se débrouillerait aussi en Alaska ».

     

    McCandless a laissé une impression indélébile à beaucoup de gens dans le cours de son voyage initiatique ; pourtant la plupart d’entre eux ne l’ont rencontré que pendant quelques jours, une semaine ou deux au plus.

     

    J’aimerai te redonner ce conseil encore une fois : je pense que tu devrais changer radicalement ton style de vie et te mettre à faire courageusement des choses que tu n’aurais jamais pensé faire ou que tu as trop hésité à essayer. (…) La joie de vivre vient de nos expériences nouvelles et donc il n’y a pas de plus grande joie qu’un horizon changeant, (…)

     

    « Il voulait vraiment se dépasser, explique Gordy Cucullu, qui était un membre plus jeune de l’équipe. Chris inventa un entraînement qu’il appela « les Guerriers de la route ». Il nous faisait faire de longues courses tuantes à travers champs, sur des chantiers de construction, dans des endroits où nous n’étions pas censés aller, et il essayait de nous égarer. Nous courions aussi loin et aussi vite que nous pouvions, le long de rues étranges, dans les bois, partout. Son idée était de nous faire perdre nos repères, de nous obliger à aller sur un terrain inconnu. Alors on courait à un rythme un peu moins rapide, jusqu’à ce qu’on ait trouvé une route que nous connaissions, et la course reprenait à pleine vitesse. D’une certaine façon, c’est comme ça que Chris menait sa vie. »

     

    Je m’étais convaincu depuis bien des mois que le manque de relations intimes, l’absence de tout véritable lien personnel m’importait peu. Mais le plaisir que m’avaient donné la compagnie de cette femme, la note claire de son rire, sa façon innocente de poser sa main sur mon bras me faisait sentir combien je m’étais trompé sur moi-même et me laissait avec un douloureux sentiment de vide. [Jon Krakauer]

     

    Avez-vous remarqué la légère incurvation au coin de la bouche de Sam II quand il vous regarde ? Cela signifie d’abord qu’il ne veut pas que vous l’appeliez Sam II et aussi qu’il a une jambe de bois à gauche et un crochet menaçant a droite et qu’il est prêt à vous tuer avec l’un ou l’autre s’il en a l’occasion. Le père est mis à l’écart. Ce qu’il dit habituellement dans ce genre de confrontation, c’est : «  J’ai changé tes couches, petits morveux. » Mais ce n’est pas ce qu’il faudrait dire. D’abord parce que ce n’est pas vrai (les mères changent les couches neuf fois sur dix) et ensuite parce que cela rappelle immédiatement à Sam II ce qui le rend enragé, qu’il est petit alors que vous êtes grand, mais non, ce n’est pas ça, qu’il est faible alors que vous êtes puissant, mais non, ce n’est pas ça non plus, il est furieux d’être contingent alors que vous êtes nécessaire, non, pas tout à fait, ce qui le rend malade c’est qu’il vous aimait et que vous n’y avez même pas fait attention.

    Donald Barthelme, Le Père mort.

     

    Vivre avec réflexion : Attention consciente aux bases de la vie et attention constante à ton environnement immédiat et à ses intérêts. Exemples : un métier, un travail, un livre : toute chose nécessitant concentration et efficacité (les circonstances n’ont aucune importance. Ce qui compte, c’est la façon dont on vit une situation. Toute signification véritable réside dans une relation personnelle avec un phénomène et dans ce que cette situation signifie pour toi).

     

    « Chris n’était pas fait pour ce siècle. Il recherchait l’aventure et la liberté dans une mesure qui excédait beaucoup celle qu’autorise la société d’aujourd’hui. »

    Bribes d'ailleurs


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    • Lecture du moment : sanglant, facile, répétitif...

    Bribes d'ailleursSoutenue de chaque côté par un homme des forces d'intervention rapide, elle fixait des yeux la caméra, le visage crispé dans un rictus sordide. Sur sa tempe droite, à moitié caché par des mèches de cheveux hirsutes, on devninait un caillot gluant rouge sombre.

    Shûya n'avait pas oublié ces images, en particulier le sourire hystérique de ses lèvres grimaçantes, même si, à l'époque, il n'en avait pas  crompris le sens.

    Le jeune homme savait désormais que, ce jour-là, il avait vu pour la première fois le visage de la folie.

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    Akamatsu hésita un instant devant cette porte ouverte sur l'abîme : avant de disparaître dans le noir, il se retourna vers le reste de la classe en jetant à tous un regard horrifié.

     On entendit ses pas pendant quelques secondes, un bruit de course lourd et pénible qui allait s'éloignant. Ensuite, une sorte de "plaf" comme un corps qui chute par terre ; sa course finit par reprendre, aussitôt étouffé par la distance.

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     (...) au milieu du sang et des cheveux collés, on entrevoyait une fine couche de chair rouge et quelque chose de ... blanc... oui, de blanc : l'os du crâne. En pénétrant dans la tête, la balle avait presque fait sortir de leur orbite les yeux de Yoshitoki. Les globes oculaires avaient tournés vers le ciel tels ceux d'un réfugié affamé devant une ration de nourriture. De la bouche entrouverte s'échappait un liquide rose, mélange de salive et de sang. Du sang plus foncé dégoulinait aussi des narines. Tous ces liquides formaient des traînées qui se dirigeaient vers le bas du visage pour se jeter dans la mer de sang s'écoulant de la béance du thorax. C'était atroce.

    (...) Quand Shûya souleva le cadavre, un trop-plein de sang se vida par terre en clapotant. Le corps était horriblement malingre et léger, sans doute à cause de tout ce dont il s'était vidé.

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     Bribes d'ailleursShûya avait l'impression de nager en plein cauchemar. Les deux moitiées gauche et droite du visage de Tatsumichi étaient maintenant légèrement décalées, conférant à cette figure un tel air d'irréalité qu'il était plus facile d'y voir une imitation en plastique. Pour la première fois de sa vie, Shûya se rendit compte de l'extrême fragilité et de l'extrême malléabilité du corps humain.

    Il préféra renoncer à fermer les yeux du cadavre. Il n'y avait plus réellement d'oeil ni de paupière gauches, du reste, sectionnés en deux comme ils l'étaient. Le restant de paupière rebiquait, et il n'avait guère de chance de parvenir à le refermer.


    Battle Royal, [Koushun Takami]


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